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Ruisseau de vie
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23 mai 2010

1 - Les 1001 piqûres

Je vais vous raconter l’histoire d’une petite fille qui reçut au moins (car le compte n’en a pas été fait) 1001 piqûres… et développa toute une partie de sa mémoire pour que l’autre puisse tout oublier.

Heureusement, à chacune de ces piqûres n’était pas forcément lié un souvenir… Mais à certaines, oui, qui d’ailleurs en entrainaient d’autres. Des souvenirs, je dis bien.

 

Au tout début, donc, elle avait deux ans et demi. Deux ans et demi, ce n’est pas bien vieux, c’est même tout petit.

Elle dormait dans la chambre de ses parents, dans un lit en bois tout sculpté, couleur chêne foncé. Elle dormait là, car elle était la dernière d’une fratrie de trois enfants et que dans la petite maison, il n’y avait pas assez de chambres. Quoi que… En y repensant bien, il y avait deux autres chambres à l’étage. Une très grande qui donnait sur la rue, mansardée avec une grande fenêtre et une autre sur le côté, toute petite, avec juste une fenêtre de toit. Elle aimait bien cette chambre, parce qu’il y avait un tout petit lit, des cartons, il y faisait chaud, poussiéreux, et elle s’y sentait cachée et en sécurité.

Je poursuis, car je m’égare (et ça, je vais le faire souvent) : Au rez-de-chaussée, il y avait donc deux chambres. Euh… pas le compte, une fois encore. Une pour les parents et la petite fille et l’autre pour la sœur ainée et le frère. Elle se rappelle que durant une invasion de varicelles, elle n’avait même pas le droit d’aller mettre le nez dans cette chambre. Et en y repensant, elle se demande aujourd’hui où elle jouait… Sans doute de-ci delà, dans le couloir ou le salon, dans la cave ou dans le jardin… Un après-midi, elle avait attrapé en haut du placard un paquet de caramels mous. De ceux qui étaient enveloppées dans un papier blanc avec un dessin de vache bleue. Elle en avait avalé goulument tout plein. Sa maman était partie faire les courses et son papa devait être en bas (pour faire du chocolat !). Puis, elle avait trouvé un carton et elle avait commencé à jouer dedans, comme les chats. Mais au bout d’un moment, la position allongée, les caramels non digérés, l’odeur du papier cartonné l’avaient plongée dans une nausée certaine, à la limite de tout vomir. Cela aurait été mal venu : comment raconter à sa maman qu’on a mangé tout les caramels et que la boite a fait le reste : retournement des tripes.

C’était donc là que jouait la petite fille, de-ci delà, dans un couloir, un salon ou un tout autre ailleurs. D’ailleurs, l’endroit importait peu, puisqu’elle avait toujours entendu : « oh, la petite, on ne l’entend jamais : on peut l’oublier, elle joue très bien toute seule ». C’est dire que son univers devait être immense pour susciter tant de confiance !

Un soir, Papa et Maman allèrent au théâtre, ou à un concert, je ne sais plus très bien. C’était Madame Yvette qui était venue la garder. Mme Yvette, elle était toute ronde, avec du rose aux joues avec un parfum très poudrée : normal, elle avait sur le visage tant de fards qu’elle ressemblait à une japonaise. Elle avait aussi un énorme chignon, très gonflée parce que je suis sûre qu’elle passait des heures à le crêper ! Mme Yvette habitait sous les toits dans une rue très pentue. La petite fille aimait bien aller lui rendre visite parce qu’il y avait une toile cirée qui ressemblait à celle de chez sa mamie et puis parce que, quand elle arrivait là-bas, Mme Yvette lui faisait tout un tas de bisous. La petite fille aimait sa bouche et ses joues toutes rondes, ça lui rappelait celle de sa Mamita.

Mamita, c’était la femme de Pépéstachou et Stachou, c’était ce Pépé qui, quand il jouait de son violoncelle, donnait à la petite fille des horizons inespérés. Il avait aussi transmis à son fils (Papa, donc) l’amour de la musique et c’était pour cela que Papa et Maman étaient allés au concert.

Mme Yvette avait attrapé le classeur rouge qui contenait tous les Pommes d’Api et en avait lu plusieurs à la petite fille. Tant et plus, qu’elle s’était endormie ainsi… Et quand je dis ainsi, c’est telle quelle : avec ses chaussettes au pied ! A son réveil, elle s’était précipité au fond du lit, sous les couvertures et n’avait pas retrouvé les chaussettes. Cela l’avait plongé dans une angoisse profonde : seraient-elles parties seules ? Et qu’allait-on dire de leur disparition ? Ce n’est que bien des années plus tard, que la petite fille compris que sa maman avait du les trouver avant elle et en faire leur affaire (d’où le mélange des souvenirs lorsque l’on est petit, on ne sait plus trop si le matin est celui de l’hier ou du demain).

 

J’ai commencé à raconter ces souvenirs-là de la petite fille pour commencer à expliquer ce qu’elle avait créé dans sa mémoire. Elle avait fait une grande armoire et y rangeait tout ce qu’elle pouvait. Elle le pensait, tout du moins. Elle adorait y amonceler tout ce qui lui passait par la tête, les couleurs, les formes, les odeurs. Elle devint une experte des années, des mois, des semaines, des jours. Elle enregistrait toutes les dates, les mélangeait avec tout ce qu’elle vivait. Tiens, par exemple, elle se rappelle sa maman sortant en courant de la cuisine pour traverser le couloir (où elle y était allongée) pour rentrant comme une branquignole dans le salon et mettre à fond la chaine HIFI. On venait d’annoncer la mort du Général de Gaulle ! La petite fille avait été très inquiète, car elle avait vu sa maman pleurer à grands flots. Elle se demandait bien comment une voix dans le tuner pouvait provoquer tant de peine ! Elle, elle pleurait quand elle tombait, quand sa sœur la mettait au coin dans la cabane du fond du jardin et qu’elle s’était fait piquer un jour par une araignée.

 

Quelques temps après cette horrifiante piqûre, son genou avait quadruplé de volume et sa mère le brandissait fièrement à qui voulait bien le regarder, comme par exemple, la voisine, par-dessus le grillage qui séparait les deux maisons, au risque d’ailleurs d’infliger à la cuisse si tendre de la petite fille, une autre piqûre, d’un autre style somme toute, pas du venin d’insecte, mais de la rouille de grillage. C’était à cette occasion que l’on découvrit la terrrrrrriiiiiiiiiibbbbbbllllllleeeeeeeeee vérité sur l’origine de la petite fille : elle était née à lergique. Où ça ? Je ne connais pas cette ville. Ah mais, non, il ne s’agissait pas de l’origine de la petite fille, car bien évidemment celle-ci était connue : elle résultait de l’équation maman + papa = la tête à la petite !

En fait, il était question de l’origine de la maladie de la petite fille, ou si vous préférez, du nom de celle-ci.

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